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Y’a plus de saisons ! Météo capricieuse ou ...

Y’a plus de saisons ! Météo capricieuse ou dérèglement climatique ?

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Un dossier dirigé par Olivier Brasseur, animateur scientifique
Première parution : Ébullisciences n°348, juin-juillet 2013

L’hiver a été long ! On en est même à se demander s’il y aura finalement un printemps digne de ce nom. Curieux comme nous le sommes, nous nous sommes demandés ce qui peut bien être la cause de ce mauvais temps. Est-ce normal ? Nous nous sommes donc tournés vers François Brouyaux, de l’Institut Royal Météorologique (IRM), pour trouver des réponses à nos questions sur la météo et le climat.


Notre expert

Enseignant pendant 20 ans, François Brouyaux, biologiste et environnementaliste de formation, voit sa carrière professionnelle bifurquer à partir de 1994 juste après l’obtention du brevet de «guide nature». L’Institut Royal Météorologique le recrute et lui confie la responsabilité de ses relations avec l’extérieur. Universitaire d’inspirations multiples (UCL) et (ULB), il met ses compétences pédagogiques au profit d’un dialogue fructueux entre les usagers de la météorologie, c’est-à-dire beaucoup de secteurs de notre société qui ont des souhaits, voire des exigences très diverses, et l’institution scientifique qui tente d’y répondre.

Il a entre autres participé à la préparation du plan pluies, initiative des autorités bruxelloises s’inquiétant de la récurrence des averses orageuses, ainsi qu’à la rédaction de «Vigilance climatique» (un document en ligne sur le site de l’IRM qui devrait être actualisé au cours de cette année jubilaire). Il est également un des auteurs de «la Belgique au fil du temps» paru en 2004, un livre qui décrit brièvement un millier d’événements météorologiques marquants au cours du 20e siècle.

Ces années passées à l’IRM l’ont inspiré pour la rédaction de son roman Brume paru chez Memory Press.


La météorologie est la science qui étudie le comportement de l’atmosphère. Comprendre ce comportement, principalement pour prévoir le temps qu’il va faire à un moment donné, en un lieu déterminé.

La climatologie, à l’origine en tout cas, est la science qui étudie les caractéristiques statistiques du temps qu’il fait en un lieu déterminé (la distribution des variables comme la température, les précipitations, la vitesse et la force des vents, la pression atmosphérique … leurs « moyennes » et leurs valeurs extrêmes).

Le mot climat vient du grec et signifie « inclinaison ». En effet, un des facteurs qui influencent le climat en un lieu déterminé, c’est la latitude du lieu ou, ce qui revient au même, l’inclinaison des rayons du soleil à midi aux équinoxes. En moyenne, il fait plus chaud lorsqu’on se déplace depuis un des pôles vers l’équateur.

Les climats (au pluriel) peuvent être pourtant très différents même pour des lieux qui ont la même latitude. C’est que d’autres facteurs que la latitude les influencent : par exemple, l’altitude (plus on est haut, plus en moyenne la température est basse), la proximité de la mer (plus on est près de la mer, moins les saisons sont contrastées), l’orographie (les différents niveaux d’altitude) environnante déterminant les types de vents, la nature du sol …

Tous les climats sont reliés entre eux par la circulation atmosphérique. Ils font partie d’un même système climatique que l’on appelle parfois le climat global. L’expression est habituelle mais elle n’est pas très logique puisque, par définition, le climat est une caractéristique locale. Il vaudrait mieux parler de système climatique. Ce système climatique est en perpétuel mouvement mais peut être pendant longtemps relativement stable ou passer par des phases de grande instabilité. Ces périodes de relative stabilité ou ces épisodes d’instabilité climatique (non pas météorologique) dépendent essentiellement de l’équilibre entre l’énergie que la Terre reçoit du Soleil et de l’énergie que la Terre émet vers l’espace.


Cet hiver a paru très long pour beaucoup de personnes. N’est-ce qu’une impression? Cet hiver a-t-il réellement été plus rigoureux que d’habitude ?

Nous avons effectivement vécu une période hivernale longue et assez froide, interrompue de temps en temps par des périodes plus chaudes. En fait, cette période hivernale, comme les deux précédentes sont revenues dans la norme alors que les hivers des 3 dernières décennies étaient devenus plus chauds que la normale établie sur les 100 dernières années.


Sur quoi peut-on se baser, de manière objective, pour affirmer cela ?

Quand on parle de normalité, c’est d’un point de vue statistique. C’est-à-dire qu’on est dans une fourchette de 30% autour d’une moyenne calculée sur une période de 30 ans habituellement. Certaines de ces moyennes peuvent aussi être calculées sur des laps de temps plus longs, si les données sont disponibles et fiables.

La période de référence généralement utilisée couvre aujourd’hui les 3 dernières décennies. Sur cette base, l’hiver dernier était particulièrement froid. Si l’on se réfère à une période de référence couvrant les 100 dernières années : cet hiver est dans la norme. Ceci dit, ce n’est quand même pas courant depuis 1981.

Il faut par ailleurs distinguer deux paramètres : la température et les précipitations. Dans le cas qui nous intéresse, l’un et l’autre ont été remarquables : il a fait froid et les précipitations ont été abondantes.

En outre, il faut bien distinguer l’hiver météorologique, qui couvre les mois de décembre, janvier et février, de l’hiver astronomique — mieux connu du grand public — compris entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps, qui s’étale autour du 21 décembre au 21 mars. Or, les statistiques météo sont basées sur l’hiver météorologique.

Pour conclure, en Europe occidentale, cette période hivernale a été longue et froide aux latitudes pour lesquelles c’est n’est quand même pas courant, même si ce n’est pas anormal, au sens statistique.


La période hivernale qui s’achève, comme les deux précédentes, a été plus froide en comparaison avec les statistiques des 30 dernières années. Qu’en est-il alors du réchauffement climatique ?

Il faut être très prudent, d’une part, car il ne faut pas confondre la climatologie et la météorologie aux différentes échelles géographiques et temporelles. D’autre part, une échelle de temps de 20 ans, ce n’est pas suffisant pour se faire une idée sur l’évolution du climat : il faut travailler sur des échelles de temps beaucoup plus importantes. On peut donc très bien avoir, durant une période de réchauffement, quelques hivers froids ou mêmes d’autres saisons occasionnellement plus froides. Il faut donc prendre en compte, tant l’échelle de temps que la répartition géographique du temps qu’il fait sur plusieurs décennies.

Si l’on prend en compte les 20 dernières années, on a un réchauffement mais moins prononcé que ce que prévoyaient les modèles. Est-ce seulement une pause dans le réchauffement actuel ? Est-ce une tendance à une stabilisation du climat ? Il y a, de plus, des signaux contradictoires qui montrent cette tendance à la stabilisation de l’évolution des températures de manière globale, et une accélération de la fonte des glaces dans certaines régions du Monde, comme l’Océan Arctique. Sur ce point, on ne peut pas dire qu’il y ait actuellement une explication scientifique consensuelle.

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Fin mars 2013, il tombait encore 10 cm de neige … Un hiver long, donc, même si, à l’échelle du siècle, il fût relativement normal.

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On a évoqué dans la presse un lien entre la fonte accélérée de l’Arctique et la rigueur de l’hiver cette année. Qu’en est-il ?

Les explications sont en effet parfois paradoxales. De plus, les explications ne seraient valables que pour cette année-ci, éventuellement l’hiver précédent, mais il s’agirait donc d’une explication conjoncturelle, pas générale.

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La fonte des glaciers antarctiques, par un apport massif d’eau douce à la surface de l’océan, pourrait engendrer un feed-back négatif et donc un ralentissement du réchauffement.

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Quels sont les outils statistiques dont on dispose pour traiter les données ?

Ce sont d’abord les séries statistiques fournies par les stations météorologiques fiables, dont celle d’Uccle. Ces stations ont fourni des séries statistiques parfois très longues. Par exemple, à Uccle, les données existent depuis les années 1880. On dispose même de données plus anciennes fournies par la station de Saint-Josse depuis 1833.


Ces séries statistiques montrent-elles une évolution climatique ?

Sur cette base, on décèle effectivement une augmentation progressive de la température moyenne à Uccle : ce qui est cohérent avec ce qui se passe ailleurs en Belgique et dans d’autres pays voisins.

Au niveau local et de manière particulière, deux sauts de températures moyennes significatifs sont observés : l’un autour de 1910 et l’autre autour de 1980. La probabilité que ce soit dû au hasard est assez faible. Il y a 95 chances sur 100 que ce soit le résultat d’une évolution brutale climatique particulière. Ce type d’interprétation n’est possible et n’est fiable que grâce au fait que l’on dispose d’une longue série statistique avant et après le saut.

Si on effectue le même type d’observations dont on peut tirer les mêmes conclusions dans d’autres stations du monde, on peut alors en déduire qu’il s’est passé quelque chose au niveau global.

Ce sont donc les anomalies statistiques que l’on essaye de corréler. Cela a plus de sens que de calculer l’évolution d’une moyenne à l’échelle du globe. En somme, l’idée est de corréler des anomalies locales entre elles.

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Contrairement à l’impression que nous laissent les reportages télévisés qui nous arrivent d’un peu partout dans le monde (ici, après le passage de la tempête Sandy à New-York en octobre 2012), la vitesse moyenne des vents semble diminuer en Belgique.

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Le changement climatique peut-il être évalué autrement que par les températures enregistrées ?

D’autres paramètres, dont les précipitations, entrent évidemment en compte. Ce qui est plus compliqué à intégrer, ce sont les modifications de la circulation atmosphérique. Actuellement, les modifications observées dans la circulation atmosphérique, pour la Belgique, ne sont pas significatives et pas toujours dans le sens auquel on pourrait s’attendre.

Si l’on tient compte des vents, par exemple, ils sont en moyenne plus faibles qu’auparavant : c’est-à-dire que leur vitesse moyenne semble diminuer.


Cette machine climatique semble bien complexe. N’y a-t’il pas un risque important de se tromper lorsqu’on parle de prévisions climatiques ?

Effectivement : c’est pourquoi les spécialistes s’entourent de beaucoup de précautions lorsqu’elles·ils présentent leurs résultats. On n’est pas du tout sûr de pouvoir décrire ce que le climat pourrait devenir avec certitude. On parle donc plus en termes de probabilités que de certitudes.

Il y a cependant une différence entre les textes publiés par les scientifiques et ce qui est relayé dans la presse. On présente souvent comme des certitudes des hypothèses en réalité plus nuancées, peut-être moins percutantes auprès du grand public.


Quels sont les facteurs qui influencent l’évolution du climat ?

Il y a les facteurs anthropiques (humains) et les facteurs naturels. Il y a encore actuellement controverse sur l’importance relative de ces différents facteurs.

Nous ne connaissons pas tous les facteurs naturels et nous ne connaissons certains d’entre eux que depuis peu de temps : ceux-là sont donc mal connus.

On connaît également mal les «feed-back» ou rétro-actions. Le système climatique a en effet des réponses qui peuvent être amplificatrices d’une perturbation, d’un facteur, ou, au contraire, qui atténuent ce facteur.

Voici l’exemple d’un feed-back négatif : suite au réchauffement, la glace de l’Antarctique fond et s’étale sur la mer. Elle forme une couche d’eau douce qui reste en surface car elle est moins dense que l’eau salée de l’océan. Cette eau douce gèle donc plus facilement lors de l’hiver suivant. La banquise est donc plus importante et, en conséquence, renforce l’albédo, c’est-à-dire la réflexion du rayonnement solaire. La quantité d’énergie solaire captée par la surface de la Terre est donc plus faible. Il s’agit donc d’une rétroaction qui atténue le réchauffement.

La vapeur d’eau, en quantité plus importante dans l’atmosphère, conséquence du réchauffement, pourrait amplifier ce dernier. La vapeur d’eau est, en effet, un important gaz à effet de serre. Il s’agirait alors d’un feed-back positif.

 

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La vapeur d’eau est un important gaz à effet de serre. Générée en plus grande quantité dans l’atmosphère par le réchauffement climatique, elle l’accélérerait d’autant.

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Autre feed-back positif : s’il fait plus chaud, il tombe moins de précipitations sous forme de neige. L’albédo est donc globalement moins important et donc l’énergie solaire reçue au niveau de la Terre est plus importante, ce qui renforce le réchauffement.

Concernant l’hiver récent : la fonte estivale de la banquise arctique s’accentue et cela modifierait les conditions atmosphériques qui influencent le temps aux États-Unis et en Europe. On aurait donc un feed-back négatif qui atténue localement les effets du réchauffement.

S’il y a un consensus assez général sur le fait du réchauffement, il n’y en a pas sur les feed-backs qui pourraient en résulter. En somme, la question se pose : comment la Terre réagit ou réagira au réchauffement ? Certain·e·s pensent que la Terre a déjà réagi et que le réchauffement se stabilise. D’autres ne sont pas d’accord avec cette hypothèse. C’est surtout là-dessus que porte la controverse.

 

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En Arctique, la diminution de la surface de la banquise entraîne une diminution de l’albédo, ce qui pourrait entraîner un emballement du réchauffement global. C’est ce qu’on appelle une rétro-action positive.

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Comment connaît-on l’évolution du climat des périodes pour lesquelles il n’y avait pas encore de données météo ?

Première chose : plus on s’éloigne de l’époque actuelle, plus l’incertitude sur l’évolution du climat augmente, surtout dans le détail. Mais, globalement, on dispose de données géologiques assez fiables indiquant les variations du niveau des mers ou l’alternance des périodes glaciaires ou interglaciaires, par exemple. On a là des preuves des variations du climat enregistrées dans les couches géologiques et dans les carottes glaciaires.

Par ailleurs, en ce qui concerne les causes, les informations sont moins claires. On dispose de connaissances indirectes, sujettes à discussions, fournissant des informations sur l’activité solaire et ses variations.


Concernant la période historique, on dispose néanmoins d’écrits ou d’informations permettant de savoir le climat qu’il faisait ?

Il faut distinguer deux périodes : la période «pré instrumentale» et la période instrumentale.

Pour la première période, on dispose de documents écrits subjectifs, néanmoins très intéressants. On sait, notamment, qu’au 18e siècle, l’Escaut a gelé pendant tellement longtemps qu’il était possible d’organiser des fêtes foraines sur la glace. On sait également qu’autour de l’an Mil, du raisin était cultivé dans le nord de l’Écosse, ce qui signifie que le climat de l’époque, dans cette région, le permettait.

La difficulté est de relier les différents écrits entre eux, pour une même période. De plus, ces textes ne proviennent généralement que de l’Europe occidentale : il est donc difficile d’extrapoler ces événements à l’ensemble du globe, ça reste des informations locales.

On dispose également de données dendrochronologiques, basées sur l’étude des cernes de croissance des arbres. Cependant, les informations fournies ne concernent que la saison durant laquelle l’arbre grandit et dépendent de plusieurs paramètres : la température, la lumière et la pluviométrie. De plus, d’autres facteurs que le climat peuvent influencer la croissance des cernes des arbres. Les résultats ne sont donc pas faciles à interpréter.

Des dépôts de sédiments et de pollens transportés par les vents peuvent aussi donner des informations sur les climats passés.

La seconde période commence vers les 17e et 18e siècles, où l’on commence à voir apparaître des instruments de mesure. Cependant, les mesures n’ont pas été prises de la même manière, ni avec les mêmes échelles. Les comparaisons ne sont donc pas faciles. Ce n’est qu’à partir de la fin du 18e siècle que l’on a des écrits sur la manière dont les mesures étaient prises. Ce type d’informations permet de relier entre elles les mesures prises à différents endroits.

L’étude du climat est en fait très pluridisciplinaire : il s’agit de construire l’image du climat à un moment donné, un peu à la manière d’un puzzle.

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Pour les périodes datant d’avant les mesures météorologiques, on peut se baser sur des documents écrits ou iconographiques pour se faire une idée du temps qu’il faisait, même si ces données sont moins objectives que celles renseignées par des mesures. Ici : l’Escaut gelé à Anvers. «Plaisirs d’hiver», détail d’une peinture de Jan Griffier le Vieux (1645-1718).

De 1550 à 1850, les hivers sont tellement rudes et les étés frais que l’on qualifie cette période de «petit âge glaciaire». ***


Revenons maintenant à la météorologie à proprement parlé. Quelles sont les différentes étapes pour réaliser un bulletin météo ?

Il y a tout d’abord les observations instrumentales, au sol, par ballons, par avions ou par satellites. Pour qu’elles aient un sens, ces observations doivent être synoptiques : c’est-à-dire à un moment précis, partout dans le monde. Les météorologues se mettent d’accord pour s’échanger leurs données à certaines heures bien précises. Il faut ajouter à cela les observations effectuées par les satellites : elles couvrent l’ensemble du globe mais elles doivent être calibrées par des observations effectuées au sol (mais c’est suffisant par rapport à l’utilisation que l’on en fait).

La ou le météorologue dispose alors d’une vision globale du temps qu’il fait partout dans le monde à un moment précis (températures, pressions, directions de vent …). En fait, des ordinateurs reçoivent aussi ces informations et les «digèrent» afin de fournir une image complète à la·au météorologue.

Elle ou il peut à ce moment comparer l’information fournie par les ordinateurs et les observations que lui transmettent les stations automatiques ou d’autres instruments.

Les ordinateurs vont alors calculer, sur base de modèles, les situations aux temps t + 6 h, t + 12 h …, en intégrant les informations des heures précédentes. Le modèle utilisé peut être contrôlé et ajusté par la·le météorologue en vérifiant si la situation actuelle correspond assez bien avec ce que le modèle avait prévu 6 heures auparavant par exemple. De manière générale, les modèles sont assez fiables à quelques jours d’échéance.


Combien de temps cela prend-t-il ?

On peut faire de la prévision en moins d’une heure à l’aide des instruments classiques : il s’agit de que l’on appelle le «now-casting».

Pour obtenir une prévision d’un modèle auquel on a fourni des données, il faut plusieurs heures. Il s’agit alors de prévisions à plus long terme : 24 h, 36 h …


Les nuages

Les nuages sont formés par condensation de la vapeur d’eau en gouttes d’eau ou en cristaux de glace. Leur forme dépend de nombreux facteurs parmi lesquels la pression, la température, le lieu de rencontre entre les masses d’air … la couleur des nuages dépend essentiellement de leur épaisseur : les plus gros apparaissent noirs parce qu’ils masquent complètement la lumière visible émise par le soleil.

La première classification et la nomenclature des nuages datent du 18e siècle, avant que l’on ait la moindre idée de leur formation. Ce n’est qu’au début du 20e siècle que l’on a compris qu’ils se formaient selon un ordre précis le long des fronts chauds ou froids. Depuis, on a précisé leur classification en les différenciant selon leur altitude (haute, moyenne, basse) et, ayant partiellement mieux compris leur dynamique, leur observation est un élément important de l’analyse que réalise la·le prévisionniste avant de faire la prévision.

Sur une carte synoptique (une carte qui reprend les observations simultanées aux différentes stations d’une portion de territoire), on renseigne les nuages par des symboles. Cfr ci-contre.


De quand datent les modèles ? Comment faisait-on avant ?

Les modèles numériques opérationnels datent d’une quarantaine d’années.

Avant cela, la prévision était uniquement basée sur l’analyse que la·le prévisionniste faisait des observations : quelles sont les masses d’air qui influencent la météo sur notre territoire ? Quels sont les mouvements de ces masses d’air ? Quels sont les lieux de rencontre de ces masses d’air ? En fonction de ces informations, il était possible de faire un pronostic.

Ce type de travail est toujours effectué pour réaliser le «now-casting». Pour la prévision à 24 ou 36 h, le travail consiste en un mix entre du «now-casting» et de la prévision sur base de modèles informatiques.

Enfin, la prévision à moyen terme, au delà de 36 h, est uniquement confiée aux modèles informatiques qu’il s’agit d’interpréter. Il s’agit en fait de plusieurs variantes d’un même métier.


Comment se fait-il qu’il y ait des différences entre deux bulletins météo sur deux radios différentes ?

Essentiellement pour deux raisons :

1. Les modèles utilisés ne sont pas forcément les mêmes et ne donnent pas exactement les mêmes résultats.

2. La manière dont le·la présentateur·rice ou la·le journaliste présente les résultats de l’interprétation du modèle.


Pourquoi l’eau s’évapore-t-elle alors qu’elle ne bout pas dans les océans ?

L’eau peut exister sous la forme de 3 « phases ». L’eau peut être solide (la glace ou la neige), liquide et gazeuse (vapeur d’eau). Pour une température donnée (et une pression donnée), il s’établit un équilibre entre 2 ou 3 phases. Cet équilibre est dynamique parce qu’à tout moment des molécules d’eau liquide deviennent vapeur et vice versa.

En condition de pression atmosphérique «normale» (1013 hPa), l’eau bout à 100°C, en effet. À ce moment, la pression exercée par l’eau sous forme de gaz est égale à la pression extérieure. Mais à des températures plus basses, l’eau est partiellement sous forme de gaz (vapeur d’eau) en équilibre avec sa forme liquide. Si la pression atmosphérique diminue fortement, comme c’est le cas en haute montagne, l’eau bout à moins de 100 degrés.


L’eau est-elle un élément important dans les phénomènes météorologiques ?

L’eau présente dans l’atmosphère représente 0,001% de la masse totale d’eau sur la Terre. Elle a pourtant un rôle considérable car cette part d’eau présente dans l’atmosphère ferme le cycle. De plus, l’eau a des propriétés physiques particulières.
C’est un gaz à effet de serre également.
Donc, globalement, l’eau joue un rôle considérable dans la physique de l’atmosphère.


Quelle est l’origine du vent ?

Le vent est dû à ce que l’on appelle les champs de pressions. La pression atmosphérique n’est en effet pas identique partout en même temps.

Il y a plusieurs causes à cela :

  1. La Terre est en rotation.
  2. La surface de la Terre est irrégulière.
  3. De grandes parties de notre planète sont recouvertes d’eau.
  4. L’axe de rotation de la Terre est incliné sur l’écliptique.

La température au sol est donc différente partout en un instant précis. Ce sont ces variations de température d’un endroit à l’autre qui sont à l’origine des variations de pression.

À certains endroits, la pression est plus importante, à d’autres, la pression est plus basse. Cette situation génère du vent des hautes pressions vers les basses pressions. De plus, à cause de la rotation de la Terre, le déplacement des masses d’air n’est pas rectiligne, mais dévié vers la droite dans l’hémisphère nord et vers la gauche dans l’hémisphère sud.


Histoire et météo

 

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Si Napoléon avait disposé de prévisions météo performantes, il n’aurait sans doute pas embourbé son artillerie suite aux violents orages survenus la veille.

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Napoléon aurait-il gagné Waterloo s’il avait écouté la météo ? Y avait-il déjà des prévisions météo à cette époque ?

Si les services météo avaient existé et s’ils avaient été aussi performants qu’ils le sont devenus aujourd’hui, ils auraient pu prévoir les risques d’orages sévères dans la région de Waterloo la veille de la bataille. Sans doute la stratégie militaire aurait-elle été différente et les troupes françaises n’auraient pas pris le risque d’embourber leurs canons et leurs hommes, ce qui, à l’évidence, a joué un rôle dans leur défaite.

Au cours de l’Histoire militaire, l’issue de beaucoup de batailles a été fort dépendante des conditions météo :

  • En 1588, les bateaux de L’Invincible Armada, partis d’Espagne pour envahir l’Angleterre, rencontrent des vents défavorables dans la Manche. Philippe II perd sa guerre, ce qui allait marquer pour longtemps la carte politique de l’Europe.
  • Le 6 juin 1944, le brouillard en Normandie a été favorable au débarquement des Alliés.
  • Les conditions hivernales très sévères en Russie ont, par deux fois, conduit des envahisseurs qui n’y étaient pas habitués à la défaite : la France de Napoléon et l’Allemagne d’Hitler.

Pourquoi fait-il plus froid en altitude qu’au niveau de la mer ? On est pourtant plus près du Soleil ?!

Le rapprochement du Soleil est insignifiant : il est tellement loin …

Ce qui compte, c’est en premier lieu l’éloignement du sol, qui rayonne l’énergie reçue du Soleil.

D’autre part, la pression diminue avec l’altitude. Il y a donc moins de molécules d’air et moins d’agitation moléculaire. La température diminue donc. C’est donc essentiellement une question de détente de l’air avec l’altitude.

Au delà d’une certaine altitude, la température augmente à nouveau de manière significative. (D’autres phénomènes interviennent ici, nous ne les développons pas. NDLR)


Quels types d’événements météorologiques extrêmes peuvent se produire en Belgique ?

Il y a d’abord des périodes de sécheresse, même si c’est très relatif comparé aux sécheresses de certains pays méditerranéens ou tropicaux. C’est en 1921, qu’il y a eu un déficit en eau très important. C’est un des éléments qui a accéléré l’installation de l’eau courante dans notre pays.

L’événement le plus meurtrier s’est déroulé la nuit du 31 janvier au 1er février 1953. Une tempête importante, associée à des grands vents d’ouest a fait monter le niveau de la mer de plusieurs mètres dans l’estuaire de l’Escaut. Cet événement a provoqué la mort d’une dizaine de personnes en Belgique et plus de 1500 aux Pays-Bas.

En 1932, à Engis, une pollution à l’acide sulfurique a fait plusieurs dizaines de morts. En cause, une inversion de température responsable de la mauvaise dispersion des vapeurs d’acide produites par l’industrie. C’est un phénomène à la fois météorologique et industriel.

En 1925 et 1926, et en 1993 et 1995, de grandes inondations ont frappé les bassins de l’Escaut et de la Meuse.

Des grands vents ont également frappé le pays plusieurs fois. Notamment une tornade à Léglise en 1983. Il y a eu aussi d’énormes tempêtes durant les années ‘90.

De grandes périodes de froid ont également eu lieu en 1963 et 1964 notamment.

Notre climat tempéré nous protège bien entendu de fréquents ouragans ou des tempêtes tropicales.


L’Institut Royal Météorologique a cent ans a cette année. Ça veut dire qu’avant 1913, il n’y avait pas de relevés météo ? Si oui, où étaient-ils effectués ?

Des données étaient en fait relevées de manière systématique depuis 1833 par la section climatologique de l’Observatoire Royal de Belgique. Avant cette date, dès le 17e siècle, une dizaine d’observateur·rice·s sont répertoriés et avaient déjà effectué des relevés météo, mais il ne s’agissait pas de relevés systématiques.


De quels instruments disposaient les météorologues de l’époque de la création de l’IRM ?

Elles·ils disposaient de quelques instruments classiques : baromètres, hygromètres, thermomètres, anémomètres, girouettes et radiomètres.

C’était de la prévision très modeste basée sur les observations synoptiques réalisées dans 43 stations en Europe.

Il faut noter que quelques années plus tôt, en 1881, c’est un belge, François Van Rysselberghe, qui, le premier, a inventé instrument (météographe et télémétéographe) capable de transmettre un bulletin météo à distance via une liaison télégraphique : c’était lors de l’exposition internationale de l’électricité à Paris.

La standardisation des relevés météo date de 1853 et c’est vers 1870-1880 qu’on a commencé à organiser les prévisions de manière systématique.


Quel a été le critère pour installer l’IRM sur le plateau d’Uccle ?

Ce sont des critères liés aux besoins de l’astronomie : l’idée était d’éloigner l’observatoire de la ville afin de ne plus être gêné par la lumière. Les bâtiments d’Uccle datent des années 1880. Ce n’est qu’en 1913 qu’a été fondé l’IRM au même emplacement que l’observatoire. En 1964, l’Institut d’aéronomie spatiale voit le jour.


Que mesurent les ballons-sondes ?

À l’IRM, 3 ballons sont lâchés chaque semaine.

La température, l’humidité de l’air, la pression atmosphérique, la direction et la force du vent sont mesurés tout le long du profil parcouru par le ballon. Le profil d’ozone est également mesuré.

Les données récoltées par les ballons-sondes sont évidemment intégrées dans les modèles de prévision. Les modèles font ce qu’on appelle de l’assimilation : c’est-à-dire qu’ils intègrent, tout en calculant, de manière régulière, des données provenant des satellites et des ballons-sonde. Ce type de fonctionnement leur permet d’affiner leurs calculs.


Les satellites vont-ils un jour remplacer les instruments au sol ?

Non, car il faut toujours pouvoir calibrer les instruments des satellites à l’aide des instruments au sol.

Cependant, les satellites fournissent des informations de plus en plus précises et abondantes. Il y a donc de plus en plus de travail au sol pour valider ces informations.


D’où viendront alors les progrès dans les prévisions météorologiques futures ?

La précision des données fournies par les instruments dans le futur risque de jouer des tours car il faut pouvoir intégrer cette masse énorme de données. Il faut également pouvoir en retirer des prévisions suffisamment fiables avec une faible marge d’erreur. Si ce n’est pas possible, à quoi bon récolter des données hyper précises ? Les progrès viendront, je crois, plus de l’amélioration des connaissances scientifiques que de la montée en puissance des ordinateurs. En somme, il vaut mieux bien connaître un phénomène plutôt qu’avoir beaucoup de données sur un phénomène mal connu.

La manière dont on se pose des questions est aussi très importante. Par exemple, c’est peut-être plus pertinent de savoir dans quelle fourchette la quantité de pluie qu’il tombera se trouvera que d’avoir une valeur précise. C’est le but des «prévisions d’ensembles» basées sur la théorie du chaos. Il faut, en tous cas, une bonne communication entre la·le prévisionniste et l’utilisateur·rice des prévisions. La·le prévisionniste sera probablement dans le futur de plus en plus un·e auxiliaire d’aide à la décision.


Une dernière question : comment fait-on pour devenir météorologue ?

La voie royale, c’est d’effectuer un master de physique. Ceci dit, d’autres formations peuvent mener à la météo : la géographie, par exemple. S’il s’agit d’être prévisionniste, le panel de formations est assez large. S’il s’agit d’effectuer de la recherche, la physique est indispensable. L’informatique est aussi importante dans ce domaine.


Un dossier dirigé par Olivier Brasseur, animateur scientifique
Première parution : Ébullisciences n°348, juin-juillet 2013

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